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LE BASSIN LOUISE : UNE PLACE PUBLIQUE LIQUIDE

Article paru dans l'Infobourg par : Léonce Naud

Depuis maintenant plusieurs générations, il n'existe plus au centre-ville de Québec aucun accès ni usage physique de l'eau du fleuve Saint-Laurent. Pourtant, des centaines de milliers de personnes habitent ou fréquentent les quartiers centraux de la Capitale, sans compter les millions de touristes qui explorent la ville annuellement. Cette situation est à tout le moins étonnante.

Comment est-il possible que, depuis le début du dix-neuvième siècle, soit depuis près de deux cents ans, des quartiers résidentiels pourtant situés à cinquante (50) mètres du fleuve aient vu grandir des dizaines de milliers d'enfants ou d'adolescents dont aucun, durant toute sa jeunesse et ensuite durant toute sa vie, n'a pu toucher légalement aux plans d'eau - fleuve ou bassin -, qui s'étendaient juste en contrebas de la maison de ses parents, et cela même au milieu des grandes chaleurs de l'été ? Prenons, par exemple, le cas du bassin Louise : voisin du quartier historique - en dix minutes à pied on y accède depuis le perron de l’Hôtel-de-Ville -, il n’en est pas moins totalement interdit au public.

Depuis deux siècles, on a également prohibé tout contact physique avec le fleuve aux millions de visiteurs et de touristes qui ont séjourné à Québec, la plupart durant les chaleurs de l'été. Durant la même période, de l'autre côté de l'Atlantique, de nombreuses villes européennes - par exemple en Normandie -, possédant elles aussi un littoral urbanisé, ont su préserver et mettre en valeur leurs plages urbaines (même quand elles n’offrent qu’un tapis de gros cailloux, comme à Dieppe), de sorte qu'elles sont devenues de véritables stations balnéaires et touristiques, tout en faisant le bonheur en premier lieu de la population résidante.

Au contraire, dans le cas de Québec, comptabilisées sur les deux derniers siècles, les retombées économiques et sociales à jamais perdues suite à l’interdiction jetée sur tous les usages physiques directs de l'eau du fleuve Saint-Laurent apparaissent à proprement parler incalculables.

Naissance de la Société des Gens de Baignade

En 1995, une consultation publique menée par la ZIP de Québec (Zone d’intervention prioritaire de Québec et de Chaudière-Appalaches), a confirmé le besoin ressenti par la population d'aménager de véritables accès au fleuve et d'en valoriser les usages publics. Depuis des années, la plupart des leaders régionaux déplorent également cette situation invraisemblable. Devant l'apathie des organismes gouvernementaux de tous niveaux, un groupe d'amis décidés ont mis sur pied, le 24 août 1996, sur les bords du bassin Louise, la Société des Gens de Baignade.

Ce groupement d'intérêt public s'adresse à toutes personnes, associations, administrations intéressées à développer, améliorer, maintenir ainsi qu'à mettre en valeur des accès et usages publics aux rivages et aux fleuves, rivières, lacs, réservoirs et autres plans d'eau, surtout mais non exclusivement en milieu urbain. Dans ce contexte, les plans d'eau publics - tels le bassin Louise, la plage de la baie de Beauport, la plage du Foulon, l’Anse des Mères -, sont une richesse collective qui doit être accessible et servir équitablement à toutes les classes de la société.

On entend donc favoriser l'accès, l'usage et la jouissance des plans d'eau et de leurs rivages par l'ensemble de la population et travailler à la mise en place d'aménagements riverains visant à satisfaire les besoins du plus grand nombre, sans aucune distinction de niveau social, de fortune, de propriété ou tout autre particularité. En outre, on fait valoir que la démocratisation de l'accès et de l'usage des plans d'eau contribue au développement économique, à la création d'emplois, au progrès social ainsi qu'à la santé publique.

La Société des Gens de Baignade étend actuellement son action à l'ensemble du Québec et ailleurs au Canada. Elle développe des relations internationales dans le but d'enrichir la vision de ses membres, de leur permettre de découvrir ce qui se fait ailleurs, d'illustrer les réussites québécoises à l'étranger et de faire prendre conscience de l'importance de favoriser l'accès, l'usage et la jouissance des plans d'eau par l'ensemble de la population d'un pays.

Une place publique liquide : le bassin Louise

Quant au bassin Louise, il représente à la fois une anse fluviale et un lac urbain de bonnes dimensions, entièrement artificiel, aménagé par le gouvernement fédéral vers la fin du siècle dernier. À l'abri des marées, ce vaste plan d'eau donne accès à un panorama inégalé sur le Vieux-Québec, "sans doute la plus belle perspective urbaine d'Amérique du nord", selon Christopher Forbes, vice-président de Forbes Magazine.

L'endroit est public et constitue à la fois un patrimoine et un atout collectif et national, propriété pleine et entière de tous les citoyens du pays, tout comme les Plaines d’Abraham. La Société du Port de Québec en assure la gestion, même si les activités portuaires ont pratiquement déserté les lieux depuis une génération. Depuis l'Été Mer et Monde (Québec '84), le plan d'eau est surtout utilisé comme aire d’entreposage liquide pour des bateaux de plaisance par la Marina du Port de Québec. Il est entièrement entouré de quais forts hauts ou d'enrochements, ouvrages qui interdisent physiquement à quiconque de profiter de l'eau, laquelle est pourtant d’excellente qualité, y compris pour la baignade. L'usage et la jouissance du bassin sont ainsi réservés exclusivement à quelques centaines d’embarcations ainsi qu’à leurs propriétaires. Par ailleurs, rappelons que la grande région de Québec compte plus de un demi million d'habitants...sans compter les millions de touristes. De vastes stationnements riverains au plan d'eau sont réservés pour les véhicules des membres ainsi que ceux du public.

L’eau est interdite à Québec

À Québec, comme chacun le sait, l'aménagement urbain comporte des particularités. C'est ainsi que durant l'été, si vous êtes une automobile, vous pouvez vous étaler toute la journée au soleil sur la grève d'un magnifique bassin, en plein centre-ville, et vous y faire dorer la carrosserie sans être dérangé. Si vous êtes un yacht ou un bateau de plaisance, vous bravez facilement la canicule, car vous jouissez des plaisirs du bain dans ce véritable lac en ville, sous les regards envieux de passants à demi rôtis par un soleil de plomb.

À bien y penser, vous n’avez des problèmes que si vous êtes un être humain. Il vous est alors formellement interdit de toucher à l'eau, où que ce soit, et cela par toutes les autorités compétentes. Inutile de chercher à qui la faute d’une telle situation: c'est la vôtre ! Vous n'aviez qu'à naître dans une fabrique de yachts ou dans un garage.

Bref, à Québec, l'accès physique à tous les plans d'eau du centre-ville est entièrement cadenassé. C'est pourquoi un retour, même partiel, à la symbiose qui a déjà existé entre la population de Québec et le fleuve Saint-Laurent - entre autres par un réaménagement graduel et réfléchi de l'actuel bassin Louise au profit du grand public -, améliorera durablement la qualité de vie de toute l'agglomération et, en premier lieu, celle des dizaines de milliers de résidants de la Ville Basse ainsi que des quartiers centraux. En prime, on créera une attraction touristique de première grandeur et une réalisation urbaine absolument d'avant-garde au niveau international. Enfin, le tableau d’ensemble témoignera éloquemment des progrès accomplis dans la dépollution du fleuve Saint-Laurent et du bien-fondé des investissements publics consentis et à venir.

À l’aube de l’an 2000 : de nouveaux besoins publics

Le bassin Louise représente aujourd'hui une opportunité pour la Ville de Québec et son Port de redéfinir les fonctions d'une partie de leurs territoires respectifs. Ce plan d'eau, situé en plein centre-ville, offre un potentiel inexploité susceptible de valorisations nouvelles. Ces dernières peuvent aujourd’hui être envisagées compte tenu de la régénération graduelle de la qualité de l’eau du fleuve. C’est pourquoi la Société des Gens de Baignade - en partenariat avec les intéressés - propose un réexamen fondamental de l’organisation de l’espace et de la gestion de la ressource en eau du bassin Louise intérieur, recomposition rendue nécessaire compte tenu des besoins urbains, des comportements, des goûts, des innovations techniques et du contexte socio-économique qui sont celles des Québécois à l’aube de l’an 2000.