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AUX PLAGES, CITOYENS !

Un spécialiste de la santé publique veut que la population se réapproprie le fleuve Saint-Laurent

Par Charles Côté, LA PRESSE (MONTRÉAL), 16 juin 2003

Le Dr Éric Dewailly a une prescription pour vous : baignez-vous dans le fleuve. Et pêchez-y du poisson. Il y va de votre santé et de celle du cours d'eau qui symbolise le Québec. " Si les gens retournent au fleuve, c'est la meilleure façon d'obtenir leur adhésion pour des mesures de protection ", explique-t-il. Médecin à l'Institut national de santé publique à Québec, le Dr Dewailly se passionne depuis 20 ans pour les questions de santé publique et d'environnement. Il a été le premier à signaler la pollution chimique qui affecte les Inuits dans le Grand Nord québécois, au début des années 1980.

Depuis, il a vu les mentalités évoluer, même s'il se demande " combien de temps il faudra pour que les gens cessent de penser au Saint-Laurent comme à un égout à ciel ouvert. Il y a 15 ans, en santé publique, on considérait que notre mission était accomplie en faisant toutes sortes d'interdictions: interdit de pêcher, interdit de se baigner, etc., dit-il. On se disait : tant que les gens ne vont pas se baigner ni manger de poisson, on n'a pas de problème. Mais ce n'est pas la bonne approche. Par exemple, si les gens n'ont pas accès à la plage, ce n'est pas bon pour la santé publique. La plage est un loisir gratuit pour les familles, on peut y faire des activités physiques. "

" C'est le même raisonnement pour le poisson, ajoute-t-il. C'est un aliment plein de bonnes qualités nutritives. Il ne faut pas dégoûter les gens d'en manger. Les Québécois mangent 15 grammes de poisson par jour en moyenne. C'est l'équivalent d'un repas aux deux semaines et c'est un des plus bas taux au monde. Globalement, le niveau de toxines dans le poisson a diminué, mais il y a une forte résistance à pêcher dans le fleuve, déplore ce résidant de Québec et grand amateur de voile. Comment se fait-il qu'on ne voie jamais de pêcheurs sur le fleuve devant Québec? Ça me dépasse. "

Le Dr Dewailly croit qu'une bonne partie du public est prête à le suivre dans les eaux du fleuve... à condition d'être bien renseigné. " L'an dernier, on a sondé 14 000 personnes sur cette question et 30 % des répondants se disent prêts à se baigner dans le fleuve, si on leur dit où et quand c'est possible de le faire ", dit-il.

Des résultats

La prescription du Dr Dewailly fait plaisir à Luc Lefebvre, responsable de la qualité de l'air et de l'eau à la Ville de Montréal, un service qui relevait autrefois de la CUM. " Au service de l'Environnement, on veut informer les gens de plus en plus pour qu'ils réalisent que l'état du fleuve s'améliore, dit-il. On a investi 2 milliards dans l'interception et le traitement des eaux usées. Et les résultats sont là. "

Depuis cinq ans, un programme intensif permet de suivre, chaque semaine, la qualité des eaux de baignade autour de Montréal, grâce à 140 points d'échantillonnage. Les résultats sont d'ailleurs régulièrement publiés sous forme de carte dans La Presse. Il y a un hic, cependant. Si Montréal est une île, avec un littoral de 260 kilomètres, il n'y a qu'une seule plage digne de ce nom, au Parc-nature du Cap-Saint-Jacques, dans l'arrondissement de Pierrefonds. Là, il est possible de se baigner dans le lac des Deux-Montagnes pratiquement en tout temps, selon Guy Deschamps, biologiste à la Ville. " Il y a eu un épisode de contamination en 10 ans ou 1000 analyses ", dit-il.

M. Deschamps peut témoigner de l'amélioration de l'eau autour de Montréal depuis qu'il a commencé ses excursions d'échantillonnage. " Il y a une dizaine d'années, on devait mettre des gants pour prendre des échantillons, dit-il. Aujourd'hui on fait ça à mains nues. C'est le jour et la nuit. À l'époque, les concentrations de coliformes fécaux étaient de l'ordre de milliers par 100 ml (1/3 de tasse). La norme pour la baignade est de 200 coliformes par 100 ml. En général, 80 % des points d'échantillonnage sont en bas de cette norme, quand il n'a pas plu la veille et l'avant-veille. "

Il manque aussi de volonté politique pour rendre le fleuve aux gens. S'il y avait une plage à 10 minutes de n'importe quelle maison, il n'y aurait plus beaucoup d'intérêt à avoir une piscine.

Avoir accès

Le Dr Dewailly assure que les coliformes fécaux sont le seul souci du baigneur. " Les contaminants chimiques, pour la baignade, on s'en balance, dit-il. On ne court aucun risque à se baigner dans une eau qui contient une partie par billion (mille milliards) de mercure ou de BPC. À cet égard, le problème principal à Montréal subsiste dans l'est de l'île, quand les fortes pluies font déborder l'usine d'épuration de la Ville. Dans l'ouest, même après la pluie, il n'y a pas de problème, affirme M. Deschamps. On ne dit pas qu'il n'y a pas de risques, résume-t-il. Il y a des épisodes de pollution. Il faut s'informer des résultats. "

Un jour viendra où même les problèmes de l'usine d'épuration de Montréal seront enfin réglés et où les plages pourront être établies sur tout le pourtour de l'île. Mais où ? " Il manque de plages, dit le Dr Dewailly. Il manque aussi de volonté politique pour rendre le fleuve aux gens. S'il y avait une plage à 10 minutes de n'importe quelle maison, il n'y aurait plus beaucoup d'intérêt à avoir une piscine. Le problème, c'est que la Ville s'est bâtie en tournant le dos à l'eau, commente pour sa part M. Deschamps. Les points d'accès publics ne sont pas faits pour la baignade et les riverains sont très possessifs, même si, légalement, ils ne sont pas propriétaires des berges. Il faut faire l'exercice de trouver où on pourrait se donner des accès à l'eau. Il faut multiplier les petites plages, pour éviter les problèmes d'accès et de stationnement. Il faut au moins que les gens puissent toucher à l'eau. J'espère que ça va se faire, pour la qualité de vie, dit le Dr Dewailly. La santé, c'est le complet bien-être mental et physique et l'accès à la plage y contribue. "